« Même si la route est bien longue à la fin, et même si le doute nous fait serrer les points, l'amour nous rassure, et brise le mur des incertitudes. J'apprendrai à lire dans ton regard, je serai le dernier des rempars, rien ne sera plus comme avant. C'est le début, je le sens. »

J'ai du mal à croire que tout ça nous arrive. Alors que depuis plus de deux ans, nous allons de galères en galères, de souffrances en souffrances, et d'épreuves en épreuves, il semble aujourd'hui que tout ça est derrière nous. Comme si la guerre était terminée, et qu'on pouvait enfin mener une vie normale. Rencontrer quelqu'un, s'aimer, s'installer, se marier. La vie de jeunes gens normaux. On y croirai presque. On en oublierai presque la Résistance, l'Ordre des Ténèbres, les Notts et tout le reste.

Le soir où Alaska a réussi à s'échapper de son propre mariage pour me rejoindre dans la Résistance a marqué le début d'une nouvelle vie. Ce soir là, nous n'avons pas beaucoup parlés. Nous étions épuisés par cette journée et cette nuit interminable. Nous sommes rentrés chez moi, et nous nous sommes endormis comme des loirs, à peine nos têtes avaient-elles touché l'oreiller. Le bonheur de pouvoir la tenir contre moi, de m'endormir, et de me réveiller le matin sans qu'elle ait disparue, sans qu'aucun danger ne nous menace, sans aucune urgence pour nous séparer l'un de l'autre. A Poudlard, nous nous arrangions toujours pour passer un peu de temps ensemble, mais jamais pus d'une heure. Il fallait que tout cela reste secret, pour ma sécurité plus que pour la sienne à l'époque. Aujourd'hui, c'est notre vie tous les deux qui est en danger, et pourtant, j'ai l'impression de n'avoir jamais été aussi bien.

Le lendemain de l'arrivée d'Alaska, il a fallut qu'elle commence à prendre ses marques. Un formateur est venu la chercher pour lui faire faire le tour du propriétaire, et l'amener auprès des autres nouvelles recrues. Je n'ai pas cherché à la former moi-même, je n'y serai pas parvenu. Le travail de formateur exige de la rigueur, mais surtout beaucoup d'autorité et de sévérité pour faire prendre conscience aux jeunes de ce qu'implique cette nouvelle vie. J'arriverai difficilement à être tout ça avec Alaska, or il faut qu'elle soit formée à 100%. Alors, après son départ, je suis allé voir Lupin, pour lui faire plus en détail mon rapport sur le déroulement des évènements de la veille. Lupin n'est pas quelqu'un de très expressif, mais il semblait satisfait, et me félicita du succès de la mission, sans oublier bien sûr de me mettre en garde sur les dangers de notre nouvelle vie. Obtenir un appartement fut bien moins évident. Il avait déjà fallut beaucoup de négociations pour que James et moi obtenions un appartement dans Londres, six mois après notre intégration. Alors, sortir Alaska du QG quelques jours après son arrivée n'était pas tellement au goût de mes supérieurs. Pourtant, après deux longues heures de discussion, et de nombreux avertissements, Lupin a accepté de nous trouver un appartement protégé dans le centre moldu de Londres. Je n'en demandais pas tant, mais je ne m'en plaindrai certainement pas !

Nous voilà donc, une semaine plus tard, à emménager ensemble. J'ai l'impression qu'on fait tout en accéléré, les retrouvailles, les fiançailles, l'appartement. D'habitude, la plupart des couples mettent plusieurs années avant d'en arriver là. Et nous, si on compte bien, on est pas restés plus de six mois ensemble. C'est peu, compte tenu de tout ce qui nous est arrivé. En y réfléchissant, on a jamais connu une seule période de calme. Pas une avant aujourd'hui.
En entrant dans l'appartement, je posais lourdement les trois derniers cartons sur le sol, et refermais la porte derrière moi. Je pouvais enfin observer avec plus d'attention l'endroit qu'on avait trouvé pour nous. Lupin s'était dépassé. Autour de moi, une grande pièce à vivre, avec des briques au murs, du parquet en chêne au sol, des poutres apparentes, des spots pour éclairer la pièce, deux gros canapés formant un angle autour d'une table basse, plus loin, une cuisine américaine flamant neuve. L'endroit devait coûter une fortune, et ça m'étonnerai que les quelques 200£ que la Résistance me demandait en loyer suffisent à rembourser ne serait-ce qu'un quart de la valeur de cet appartement. Me voilà encore d'avantage redevable envers Lupin. Mais plus que tout, c'est la vision d'Alaska au milieu de cette pièce qui m'arrache un sourire ébahit, comme si cette simple image me paraissais tout droit sortie d'un rêve. « Ça va? C'est le dernier? Tu.. veux quelque chose à boire?» me demanda-t-elle timidement. Je souris d'avantage devant cette scène d'un quotidien que je pensais ne jamais vivre, et lui rendis son baiser. « Pourquoi pas ! Mais je suis pas sur qu'on ait grand chose pour le moment. Il faudra qu'on aille au ravitaillement dans l'après-midi !» Répondis-je, surpris moi même de la banalité de cette conversation. Comme si c'était la première. Jusqu'ici, toutes nos discussions étaient ponctuées d'angoisse, de questions existentielles de vie et de mort, de tension et de peur. J'ai l'impression que c'est la première fois qu'on se parle vraiment, normalement. « Heu... Il n'y a que de l'eau pour le moment.. Tu prends quand même ou tu attends que je défasse quelques cartons pour trouver autre chose?» A nouveau, je souris et m'approchais d'elle. L'attrapant par la taille, je la fis tomber avec moi dans le canapé, et la gardais un moment ainsi contre moi. « On verra plus tard... » dis-je en lui embrassant le front. « Raconte-moi ta semaine ! Comment ça se passe ? » Demandais-je, désireux de poursuivre ce genre de discussion de jeunes gens normaux qui se parlent de leur travail et de leurs amis.

« Même si la route est bien longue à la fin, et même si le doute nous fait serrer les points, l'amour nous rassure, et brise le mur des incertitudes. J'apprendrai à lire dans ton regard, je serai le dernier des rempars, rien ne sera plus comme avant. C'est le début, je le sens. »

« Disons simplement que ça été.. Pas comme je ne le pensais. C'était plus intense, plus complexe et... éprouvant que je ne le pensais. Mais si je suis là avec toi, ça veut dire que je ne suis pas si nulle que ça..Si? » Je souris. Le manque de confiance en soi d'Alaska me fait parfois halluciner, parfois hurler, et souvent, me rend complètement gaga de cette petite bouille si adorable qui regarde vers moi comme pour me demander ma bénédiction. Cette fille est capable de mettre le monde à ses pieds et de le voir se prosterner devant elle, mais elle ne se voit que comme une faible jeune femme qui peine à trouver sa place ans le monde. Elle est adorable. Je la serres un peu plus contre moi et l'embrasse à nouveau sur le front. « Bien sûr que non. Tu es géniale, et tu t'en sors comme une chef. Tu vas trouver ça dur pendant un moment, et puis tu finiras par faire tout ça naturellement... » Je repensais à mon propre entrainement et à ma propre formation. Je me souviens des longues réunions collectives, des cours de self défense et de duel, des simulations de planques, des cours de résistance aux interrogatoires, les tests de personnalité, les rendez-vous chez le psy et le médicomage, les mises à l'épreuve... Et je me souviens du jour où tout ça m'a parut normal. Le jour où j'ai réalisé à quel point j'avais changé. « Un jour, tu verras les nouvelles recrues arriver. Ils seront exactement comme toi aujourd'hui, inquiets, terrifiés, et seuls. Mais toi, tu te sentiras à des années lumière d'eux... Cette vie nous change, nous endurçit, et avant que tu ais le temps de t'en rendre compte, tu ne seras plus la même. » Je reste un moment en suspend, le regard dans le flou, essayant de me rappeler comment j'étais quand j'avais peur. Mais tout ce dont je me rappelle c'est ce que je ressentais quand j'ai vu arriver ces jeunes. J'étais désolé pour eux, de les voir obligés de se tourner vers cette vie, les voir quitter l'enfance pour de bon sans qu'ils en aient la moindre idée. J'étais désolé pour moi, qui n'arrivais pas à compatir autant que j'aurai compati dans le passé. J'étais désolé.

Alaska surprit mon air déprimé, et ne voulant pas l'inquiéter sur des sujets sans importance, je souris. «Je suis heureux que tu sois là, avec moi. » Lui dis-je en souriant. La conversation reprit ensuite son court, et je chassais de mon esprit ces pensées noires. « - Et puis j'ai.. revu Neville. Et ça été.. tendu au début. Je crois que.. C'est un peu comme pour tout le monde.. Il a besoin de temps pour me faire confiance. Mais bon. Ça ira, non? ». « - Evidemment que ça ira ! Pourquoi est-ce-qu'il douterai de toi ? » Lançais-je joyeusement avant de froncer les sourcils, cherchant dans ma mémoire d'où je connaissais ce nom. « Neville... Neville Londubat ? Le Gryffondor ? Comment tu le connais ? » Demandais-je, curieux de savoir comment ma petite Serpentard avait pu rencontrer un Gryffondor d'un an son aîné, et quelle était leur relation. Je n'étais pas jaloux, juste curieux. Je me souviens qu'Harry et Hermione m'ont déjà parlé de lui comme d'un très bon ami de Poudlard. Mais jamais je n'aurai pensé que le monde put être assez petit pour qu'il connaisse aussi Alaska. Remarque : Poudlard est un grand village. Tout finit toujours par se savoir, et tout le monde finit par croiser tout le monde. « Et toi? Ta semaine? » me demande plus tard Alaska. Je prends une profonde inspiration, tout en essayant de rassembler dans ma mémoire les évènements de la semaine. Je n'ai pas envie de ne parler que du travail, on est la tête dans le guidon toute la semaine, sans avoir à continuer d'y penser en rentrant chez nous. Chez nous. Ca me fait bizarre de me dire qu'à partir de ce soir, cet endroit devient officiellement notre chez nous. « Longue ! Lupin et Dumbledore m'ont demandé de me renseigner sur une Serpentard de ta classe. Phoebe Parker ! Une véritable petite peste cette fille! Incapable de se taire cinq minutes et d'écouter qui que ce soit ! J'ai cru que j'allais utiliser un sortilège interdit ! » Racontais-je en riant, mais en frissonnant rien qu'au souvenir de cette emmerdeuse. « Je suis allé boire un café avec Hermione Granger aussi ! Tu la connais peut-être, c'est une amie de Neville, et une très bonne amie à moi depuis que je suis ici. Je lui ai dit qu'on allait se marier, et elle m'a piqué une crise de jalousie, comme quoi je l'abandonnais, etc... Ca s'est pas très bien passé... » Concluais-je avec un sourire attristé me remémorant ma prise de bec avec mon amie. En y pensant, les filles m'ont vraiment fait chier cette semaine ! Heureusement que la plus belle et la plus chouette est ma future femme. Je suis vraiment un putain de veinard.